Droits des salariés et QVT
Harcèlement moral : comment le CSE peut-il agir efficacement ?
Le harcèlement moral constitue aujourd’hui un des enjeux majeurs de la qualité de vie au travail. Difficile à identifier, souvent tabou, il laisse des traces profondes sur la santé psychologique des salariés. Pour y faire face, le Comité Social et Économique (CSE) joue un rôle de premier plan, à la fois de prévention, d’accompagnement des victimes et d’alerte de l’employeur.
Mais comment s’y prendre concrètement ? Quelles sont les obligations, les leviers d’action, les bonnes pratiques ?
Comprendre le harcèlement moral : un préalable indispensable
Le harcèlement moral se définit juridiquement par des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail, susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel. Il ne s’agit pas d’un conflit ponctuel ou d’une simple mésentente : la notion de répétition et de conséquences durables est centrale.
Les formes que peut prendre le harcèlement sont multiples : un manager qui dénigre sans cesse un collaborateur, des collègues qui isolent volontairement un salarié, des tâches absurdes ou humiliantes imposées pour pousser quelqu’un à bout… Le harcèlement peut être vertical – d’un supérieur vers un subordonné ou inversement – ou horizontal, entre collègues. Il peut aussi être collectif, lorsqu’un groupe cible un individu.
Le rôle du CSE dans la prévention
Le CSE a une mission légale de vigilance sur la santé physique et mentale des salariés. À ce titre, il est pleinement légitime pour s’emparer de la question du harcèlement moral. L’un des leviers les plus puissants à sa disposition est la prévention. Cela passe d’abord par la sensibilisation : organiser des campagnes d’information internes, relayer les droits des salariés, faire connaître les recours possibles, former les membres du CSE et les référents RH.
La prévention repose aussi sur la construction d’un environnement de travail sain, transparent et respectueux. Il faut porter une attention particulière à la charge de travail, aux méthodes managériales, au traitement équitable entre salariés. Le climat social doit faire l’objet d’une écoute active et d’indicateurs de suivi, car le harcèlement s’inscrit souvent dans un contexte de tensions latentes.
Le référent harcèlement : un acteur clé
Depuis 2019, les entreprises dotées d’un CSE ont l’obligation de désigner un référent harcèlement sexuel et agissements sexiste. L’objectif est d’avoir un rôle d’écoute, d’orientation, de repérage des signaux faibles, et participer activement à la mise en place de dispositifs internes de traitement des alertes. Pour jouer pleinement son rôle le référent doit être formé.
Quand un salarié signale une situation : comment réagir ?
L’une des difficultés majeures rencontrées par les élus du CSE est de savoir comment se comporter lorsqu’un salarié leur confie être victime de harcèlement. Dans cette situation, la posture d’écoute est essentielle : il ne s’agit pas de juger ou de minimiser, mais de recueillir les faits de façon rigoureuse et bienveillante. Il convient de noter les éléments rapportés, sans interprétation, et de garantir à la personne un strict respect de la confidentialité.
Le CSE peut alerter l’employeur, qui a l’obligation de diligenter une enquête interne. Dans certains cas, le CSE peut aussi initier lui-même une enquête, à condition qu’elle soit menée de façon impartiale, dans le respect des droits des deux parties. Les témoignages doivent être recueillis avec prudence, les faits analysés objectivement, et les conclusions formulées avec rigueur.
Les outils à disposition du CSE
Le CSE dispose de plusieurs leviers pour agir. Il peut utiliser son droit d’alerte en cas d’atteinte grave aux droits des personnes, ce qui oblige l’employeur à répondre. Il peut saisir l’inspection du travail si les faits sont avérés et nécessitent un cadre extérieur. Il peut, enfin, proposer des aménagements ou des mesures correctrices : mobilité interne, accompagnement psychologique, médiation, voire mesures disciplinaires contre l’auteur présumé.
Dans les entreprises de plus de 300 salariés, la commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail (CSSCT), rattachée au CSE, constitue un espace de discussion et d’action spécifique sur ces sujets. Elle peut élaborer des plans d’action de prévention, analyser les risques psychosociaux, proposer des formations ciblées, etc.
Former les élus : une nécessité absolue
Les élus du personnel ne sont ni psychologues, ni juristes. Pour autant, leur rôle exige des compétences solides dans la compréhension des enjeux humains et juridiques du harcèlement moral. C’est pourquoi la formation en santé, sécurité et conditions de travail (SST), obligatoire pour tous les élus, doit être pleinement mobilisée, et si possible enrichie par des modules spécifiques sur les risques psychosociaux.
Se former, c’est non seulement mieux accompagner les salariés, mais aussi se protéger en tant qu’élu, pour éviter les maladresses, les confusions, voire les accusations de partialité.